Interview de Carole Damiani sur le procès des attentats du 13 novembre
Carole Damiani est directrice de l'association d'aide aux victimes "Paris Aide aux Victmes", membre du réseau France Victimes. Elle est également docteur en psychologie.
Elle a accepté de répondre à trois de nos questions concernant l'organisation du procès des attentats survenus le 13 novembre 2015 à Paris et à Saint Denis qui s'ouvrira le 8 septembre 2021 pour une durée de 8 mois.
Quel est le rôle de Paris Aide aux Victimes dans la préparation et le déroulement des grands procès comme celui à venir du 1311 ?
Depuis une vingtaine d’années, PAV est mandaté par le Parquet sur le fondement de l’article 41 in fine du CPP pour accompagner les parties civiles tout au long des procès et notamment les procès en matière de terrorisme.
L’association est intégrée dès les premiers comités de pilotage pour d’une part, se coordonner avec l’ensemble des acteurs du procès, et d’autre part, pour identifier les besoins des victimes en amont et adapter au mieux le dispositif de soutien psychologique.
Nous adressons un courrier aux parties civiles et à leurs avocats pour les inviter à une réunion d’information, et nous joignons un questionnaire. La réunion préparatoire leur permet de visualiser la cour d’assises, de se familiariser avec les lieux, de connaître les acteurs du dispositif, notamment les accueillants qui seront présents chaque jour et les psychologues. L’équipe leur remet des documents d’information (informations pratiques, matérielles, contacts…). Les parties civiles, même si elles attendent le procès, sont angoissées.
La perspective du procès peut raviver les troubles psychotraumatiques chez les survivants ou la douleur de la perte chez les endeuillés. Pour cette raison, les psychologues sont souvent sollicités avant même le procès, pour les étayer, les aider à faire face à leurs émotions et répondre à leurs questions. Avant le procès et durant les premiers jours, les juristes aident les victimes non constituées ou sans avocat à rédiger leur dossier de demande, et ce, en lien avec le Barreau et le Bureau d’Aide Juridictionnelle.
Quelles sont les mesures mises en place pour permettre aux parties civiles d’assister au procès, notamment quand elles vivent hors de Paris ?
Pour les parties civiles qui ne résident pas à Paris, les frais de transport et d’hébergement sont pris en charge. Un vade mecum adressé aux parties civiles récapitule l’ensemble des informations nécessaires pour se faire rembourser (pièces à fournir, conditions, plafonds…). Pour le procès des attentats du 13 novembre 2015, les parties civiles qui ne peuvent se déplacer auront accès à une transmission des débats sur une web radio, ce qui est une première en France. Pour ces parties civiles, nous avons prévu une ligne téléphonique avec des psychologues. Effectivement, il sera douloureux d’entendre certaines paroles, des débats ou des témoignages. Pour que les parties civiles ne soient pas seules avec leur souffrance et leurs questions, les psychologues seront présents pour les écouter et les orienter si besoin.
Vous êtes docteur en psychologie et avez une très longue expérience des ces évènements collectifs, diriez vous qu’un procès permet de « faire son deuil » comme on l‘entend assez fréquemment ?
Le procès est une étape dans le parcours des victimes, douloureuse certes, mais importante. Les victimes en attendent parfois trop. Il peut apporter des réponses, il est l’occasion de partager des émotions et de la souffrance et de s’en trouver un tant soit peu allégé, il peut avoir une fonction d’apaisement de la colère et de la culpabilité, de reconnaissance, mais il ne soigne pas. Il ne soigne pas le traumatisme des survivants s’il n’a pas été traité par ailleurs, il ne permet pas non plus « de faire son deuil » pour les endeuillés.
« Faire son deuil » suppose un travail psychique, une élaboration psychologique progressive de la perte qui ne peut se faire sur la scène publique. C’est une affaire intime. Les attentes envers le procès ne sont pas les mêmes pour tous. Pour certains, c’est une dernière étape qui leur permettra de suturer au moins en partie, un long chemin. En revanche pour d’autres, qui attendent du procès ce qu’il ne peut apporter, la désillusion sera grande. Aussi, est-il préférable de travailler ces questions avec les victimes, avant le procès.
Pour toute question ou renseignement complémentaire, vous pouvez contacter
l’association Paris Aide aux Victimes au 06 35 18 99 60 du lundi au vendredi de 9h à 17h
ou proces@pav75.fr.
Lien vers pour télécharger le vade-mecum
Lien vers la page dédiée du site de la Cour d'appel de Paris
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A noter que 4 associations de victimes seront parties civiles dans ce procès (Afvt, Fenvac, 13onze15 Fraternité et vérité et Life for Paris). Elles jouent un rôle important et complémentaire dans la préparation des victimes au procès et à leur accompagnement durant les audiences.
Pour aller plus loin :
À six mois du procès du 13-Novembre, les chiffres-clés de cette audience historique (Le Figaro)
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